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- Actualités Juridiques & Fiscales
1. Violation d’un pacte d’actionnaires par l’effet d’un coup d’accordéon
2. Abus de droit pour la fusion dont le seul but est une compensation entre un déficit et un bénéfice
3. La donation-cession de titres en vitesse de croisière
4. L’immeuble acquis en vue de la revente constitue un stock sauf changement de destination
5. Les sociétés non cotées peuvent racheter leurs actions
CA Paris 27 mars 2014 n° 13/06816, ch. 5-9, Lavarec c/ Sté Communications intégration industries LLC
Des actionnaires qui ont conclu avec un investisseur un pacte prévoyant le maintien du niveau de sa participation violent ce pacte en votant une réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital réservée à un tiers sans proposer à l’investisseur d’y souscrire.
Un pacte d’actionnaires conclu entre les fondateurs actionnaires d’une société anonyme et des investisseurs accordait à ces derniers un droit permanent au maintien de leur participation à hauteur de la quotité du capital qu’ils détenaient lors de leur entrée dans la société. En cas d’augmentation du capital social, les fondateurs s’obligeaient à proposer aux investisseurs d’y souscrire, au prorata du montant de leur participation. Le pacte précisait qu’il prendrait fin à l’égard d’une partie qui ne détiendrait plus aucun titre de la société mais resterait en vigueur à l’égard des autres parties.
Pour reconstituer les fonds propres de la société devenus inférieurs à la moitié du capital (C. com. art. L 225-248, al. 1), une assemblée générale avait voté la réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de celui-ci (coup d’accordéon). L’augmentation de capital avait été réservée à un nouvel investisseur, après que l’assemblée avait voté à son profit la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires. Evincé à la suite de l’opération, l’un des investisseurs signataire du pacte avait invoqué sa violation et demandé aux autres actionnaires des dommages-intérêts. Pour s’opposer à cette demande, les actionnaires poursuivis soutenaient notamment que le droit de souscription aux augmentations de capital prévu par le pacte n’était plus applicable au moment de l’augmentation de capital litigieuse puisque, en raison de la réduction préalable à zéro, aucun actionnaire ne détenait plus de titre de la société.
La cour d’appel de Paris a jugé au contraire que le pacte d’actionnaires avait été violé et elle a accordé 100 000 € de dommages-intérêts à l’actionnaire évincé. Le coup d’accordéon ne pouvait s’analyser qu’en une opération unique. La réduction du capital à zéro s’étant faite sous la condition suspensive de l’augmentation subséquente, c’est au moment où celle-ci avait été votée que la réduction du capital avait été réalisée. Il en résultait que l’investisseur concerné détenait encore des actions au moment de l’augmentation du capital et qu’il avait le droit d’y souscrire préférentiellement, en vertu du pacte toujours en vigueur.
Les actionnaires ne pouvaient pas non plus soutenir que l’intérêt social justifiait une telle opération, l’investisseur évincé ne critiquant pas le principe de la recapitalisation de la société mais uniquement la violation du pacte.
Une réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation avec suppression du droit préférentiel de souscription au profit d’un tiers est licite (Cass. com. 18-6-2002 n° 99-11.999 : RJDA 10/02 n° 1038), à condition qu’elle ne constitue pas un abus de majorité ou une fraude aux droits des associés minoritaires mais soit réalisée dans l’intérêt social. Comme l’illustre la décision ci-dessus, elle engage la responsabilité des actionnaires signataires d’un pacte si elle est effectuée dans des conditions qui ne respectent pas celui-ci.
CE 11-4-2014 n° 352999
La fusion de deux sociétés « coquilles » uniquement motivée par la possibilité d’imputer les déficits de l’absorbante sur les bénéfices de l’absorbée sans avoir à solliciter l’agrément prévu pour le transfert des déficits peut être constitutive d’un abus de droit.
CE 28 mai 2014 n° 359911, CE 9 avril 2014 n° 353822 et CAA Lyon 7 novembre 2013 n° 12LY02321
Les conditions permettant de mettre en œuvre la théorie de l’abus de droit fiscal en matière de donation-cession de titres sont désormais clairement établies par la jurisprudence, hormis le cas particulier où le donateur bénéfice d’un quasi-usufruit.
L’avantage fiscal tiré d’une donation avant cession de titres, qui consiste pour les contribuables à donner des titres à des proches (généralement les enfants) avant leur cession à bref délai par les donataires pour leur valeur au jour de la donation, est désormais bien identifié.
Pour le calcul de la plus-value, le prix de revient des titres est leur valeur au jour de la donation (CGI art. 150-0 D, 1). La donation avant cession de titres permet ainsi de « purger » la plus-value, et d’éluder le paiement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Les donataires acquittent les droits de donation, la base taxable étant réduite des abattements applicables.
Trois arrêts rendus récemment par le Conseil d’Etat et la cour administrative d’appel de Lyon donnent l’occasion de cerner le risque fiscal attaché à cette opération (CE 28-5- 2014 n° 359911 ; CE 9-4-2014 n° 353822; CAA Lyon 7-11-2013 n° 12LY02321)
Si la jurisprudence a désormais clairement énoncé les conditions permettant de mettre en œuvre la théorie de l’abus de droit fiscal s’agissant de la plupart des opérations, le cas particulier des donations-cessions faisant intervenir une convention de quasi-usufruit pose encore question.
La remise en cause de la chronologie des opérations semble, quant à elle, relever de la procédure de rectification de droit commun.
La réalisation d’une donation de titres suivie de leur cession par les donataires, plutôt qu’une cession directe suivie de la donation du prix aux enfants, constitue un choix qui n’est pas en soi répréhensible au sens du droit fiscal. Certaines circonstances peuvent toutefois conduire à remettre en cause l’intention libérale des donateurs, l’opération étant alors constitutive d’un abus de droit fiscal au sens de l’article L 64 du LPF.
Nos équipes sont à votre disposition pour étudier votre cas.
Décret 2014-543 du 26 mai 2014 : JO du 28 mai 2014 p. 8917
Le système des programmes de rachat de leurs propres actions par les sociétés non cotées est désormais opérationnel, le décret d’application, attendu depuis deux ans, ayant été publié.
L’article L 225-209-2 du Code de commerce issu de la loi 2012-354 du 14 mars 2012 a autorisé les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur Alternext à racheter leurs propres actions pour les attribuer :
– dans l’année de leur rachat, aux salariés ou dirigeants dans le cadre de leur participation aux résultats de l’entreprise d’un d’épargne d’entreprise, ou encore du bénéfice de stock-options ou d’actions gratuites ;
– dans les deux ans de leur rachat, en paiement ou en échange d’actifs acquis par la société dans le cadre d’une opération de croissance externe, de fusion, de scission ou d’apport ;
– dans les cinq ans de leur rachat, aux actionnaires qui manifesteraient à la société l’intention de les acquérir à l’occasion d’une procédure de mise en vente organisée par la société elle-même dans les trois mois qui suivent chaque assemblée générale ordinaire annuelle.
Les modalités de ce rachat viennent d’être précisées par décret et ce nouveau dispositif est désormais envigueur.
L’assemblée générale ordinaire (ou le cas échéant la collectivité des associés dans les SAS) doit autoriser le conseil d’administration ou le directoire (les dirigeants dans les SAS) à acheter les actions au vu d’un rapportd’un expert indépendant (art. L 225-209-2, al. 11).
Cet expert doit être désigné à l’unanimité des actionnaires ou, à défaut, par le président du tribunal de commerce statuant sur requête à la demande des dirigeants sociaux. Il est choisi parmi les commissaires aux comptes ou les experts inscrits et ne doit pas présenter avec la société de liens portant atteinte à son indépendance (art. R 225-160-1 nouveau).
Son rapport doit mentionner les actions « faisant l’objet de l’offre de rachat en application du huitième alinéa de l’article L 225-209-2 », et donc en pratique le nombre maximal d’actions dont l’assemblée autorise l’acquisition. Il doit indiquer les techniques d’évaluation adoptées pour déterminer la valeur minimale et la valeur maximale du prix de rachat de ces actions et les motifs pour lesquels elles ont été retenues (art. R 225-160-2 nouveau).
Il doit être déposé au siège social quinze jours au moins avant la date de l’assemblée générale (de la décision collective) appelée à se prononcer sur le rachat et être tenu à la disposition des actionnaires et des commissaires aux comptes qui peuvent en prendre connaissance ou obtenir la délivrance d’une copie (art. R 225-160-2 nouveau).
On peut penser que cette procédure sera surtout utilisée pour permettre le reclassement d’actions dans les sociétés fermées et pour donner aux minoritaires la faculté d’obtenir le rachat de leurs actions par la société dans des conditions satisfaisantes. En revanche, pour l’actionnariat salarié, il est communément admis que la procédure plus souple de l’article L 225-208 – dans laquelle le rachat relève de la compétence des organes de direction et ne nécessite ni décision collective ni intervention d’un expert – demeure applicable et devrait être généralement retenue en pratique.